À force de regarder au lieu de voir

 

Le projet Archist Paysage s’inscrit à la frontière entre art, architecture et paysage. À la croisée des questionnements de l’art et de l’architecture sur le paysage, il faut avant tout songer à un dehors, à une extériorité et à ce qui, de ce dehors, nous est donné à voir. La question qui se pose pour les artistes est de savoir comment reconstituer par le regard ou la vision, et à travers la déambulation, le cheminement et la perception, l’apparente unité d’un paysage (naturel ou urbain) sédimenté ou disloqué. empruntant son titre à un passage de Noces de Camus décrivant l’aridité et la splendeur du paysage méditerranéen, cette exposition cherche à appréhender ces « dispositifs » artistiques qui mêlent des usages de l’espace et des formes de la vision, ces espaces captés par et dans l’expérience et restitués par le truchement du regard dans une représentation.

Par « dispositifs », il faut entendre cette notion multiple et complexe désignant une manière de disposition. Dans le champ de la représentation, on parle de dispositif à propos des machines de vision et des inven- tions liées à la perspective à la Renaissance. Le dispositif a une dimension pratique, il désigne donc également une fonction opérative, entre faire voir et donner à voir. Dans ce cadre, celui-là même que fabrique l’idée de paysage, les dispositifs que l’exposition cherche à rendre visibles sont des ma- nières de faire voir et, en même temps de faire apparaître cette « expérience » à l’origine de la vision. Les dispositifs rendent compte d’une double forme d’existence, entre voir et percevoir. Le paysage se regarde, se voit, s’éprouve et se pense, et il s’agit, d’une certaine manière, à chaque fois d’une activité différente que le dispositif peut, lui, rassembler, en s’interrogeant autrement sur le « comment voir » et les modalités de la vision, mais aussi sur les différentes manières d’occuper l’espace, le territoire, le sol et invitant à penser l’histoire et la géographie tout autant que le corps et la sensation. Ces sensations justement décrites par Camus lorsqu’il évoque sa visite des ruines de Tipasa, où la vision se mêle à la sensation de chaleur, aux odeurs, aux couleurs et aux souvenirs. Le paysage est l’expression d’une relation profonde entre l’homme et la surface de la terre, entre l’homme et son environnement naturel.

Si le paysage est une manière de voir et d’imaginer le monde, il est aussi une réalité concrète, objective, produite et transformée par les hommes. C’est un spectacle ou un fait de perception, une représentation ou une réalité politique et culturelle, il se traverse aussi bien physiquement que mentalement ; c’est la multiplicité de ces « points de vue » dont les artistes rassemblés dans l’exposition rendent compte, en explorant le ou les sens de cette formule de Camus : « à force de regarder au lieu de voir ».
La douzaine d’artistes invités proposera différents points de vue sur cette question du paysage, du territoire, de ces lignes qui les traversent, sur la manière d’y être et d’y habiter. L’exposition a privilégié une pluralité de matériaux, de formes, de médiums : peinture, sculpture, installation, photographie, dessin, céramique, objet, vidéo afin d’exposer la diversité des paysages et des manières de les voir.

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